chronique
Opinion

La cigale diffamée par le poète

le vendredi 28 juillet 2017
Modifié à 0 h 00 min le 28 juillet 2017
Par Michel Thibault

mthibault@gravitemedia.com

La cigale aurait poursuivi Jean de la Fontaine en diffamation si elle avait su lire.

La célèbre fable qui la met en scène avec une fourmi est truffée de faussetés à son égard. Les propos du poète du XVIIe siècle portent une grave atteinte à la réputation de l’insecte qui cymbalise joyeusement les chaudes soirées d’été.

«La cigale, ayant chanté tout l’été, se trouva fort dépourvue quand la bise fut venue, écrit Jean de la Fontaine. Pas un seul petit morceau de mouche ou de vermisseau. Elle alla crier famine chez la fourmi sa voisine, la priant de lui prêter quelque grain pour subsister jusqu’à la saison nouvelle.» Fake news !

D’abord, la cigale ne se nourrit pas de mouche ni de vermisseau. Elle calme son appétit en sirotant la sève des arbres. Plus, c’est impossible qu’elle se rende chez sa voisine à l’arrivée de la bise. On comprend qu’il s’agit ici d’un vent froid et non du contact des lèvres avec une partie du corps d’autrui. C’est impossible que la cigale aille quêter quiconque à l’automne pour une raison très simple. Elle meurt à la fin de l’été. C’est incontournable. Tel est son destin.

J’avoue que je l’ignorais jusqu’à récemment. J’ai lu <@Ri> La cigale et la fourmi <@$p> enfant. Jamais je ne m’étais attardé à vérifier l’élément central de l’histoire.

C’est la découverte, il y a quelques jours, d’un spécimen et sa mue dans ma cour qui m’a poussé à faire des recherches sur cette bestiole. J’ai appris, notamment sur le site «Espace pour la vie – Montréal», que l’insecte commence sa vie dans un œuf fixé à un végétal. Il en sort après quelques semaines sous forme de larve. Laquelle tombe au sol et s’y enfouit. Elle survit enterrée durant quelques années en buvant aux racines.

Parvenue au stade de nymphe, la cigale sort de terre. Elle se fixe à une branche ou autre pour la mue «imaginale». La toute dernière. Celle dont elle sort adulte. Ultime étape de son existence. Laquelle est investie d’une grande mission : se reproduire.

Pour atteindre l’objectif dans des délais assez courts, le mâle signale sa position à madame en émettant des sons. Son action n’est en rien un divertissement futile. Il constitue un élément essentiel du cycle de la vie.

Connaissant la noble visée du chant de la cigale, on ne peut lui reprocher de le faire entendre tout l’été.

Jean de la Fontaine ignorait sans doute tout de l’insecte lorsqu’il a décidé de fabuler à son sujet. Il s’est basé sur une perception auditive pour s’en faire un portrait global plein de préjugés.

Un travers de l’être humain qui, 400 ans plus tard, n’est malheureusement pas disparu.