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Justice

La notion de consentement au cœur des plaidoiries dans le dossier de l’ex-député André Chenail

le lundi 21 mars 2022
Modifié à 17 h 04 min le 21 mars 2022
Par Eric Tremblay

etremblay@gravitemedia.com

L'ex-député André Chenail connaîtra son verdict le 2 mai. (Photo - Archives)

Le juge Joey Dubois s’est fait présenter deux scénarios dans le procès d’André Chenail, accusé d’agression sexuelle. Il devra trancher à savoir si la présumée victime avait la capacité de consentir à la relation, malgré la commotion cérébrale qu’elle venait de subir, ou si l’accusé a fait de l’aveuglement volontaire.  

Les deux parties présentaient leurs plaidoiries lundi matin au palais de justice. Le juge Dubois a tous les éléments en main pour rendre un jugement à propos des incidents qui seraient survenus le 13 décembre 2018. Le 2 mai, il fera connaître son verdict.

En défense, Me Nadine Touma a rappelé que la plaignante avait initié le contact sexuel. La femme, qui a perdu connaissance quelques instants avant les gestes reprochés, est sortie de la salle de bain avec une démarche entreprenante et consentante selon l’avocate. Un expert a d’ailleurs témoigné que la femme, qui a subi une commotion cérébrale, pouvait avoir été désinhibée par le choc. Ce qui arrive dans 22 % des cas selon le Dr Dave Ellemberg. Chez les femmes, ceci se manifeste souvent de nature sexuelle.

La victime alléguée a d’ailleurs subi un choc vagal et une amnésie post-traumatique. Ce qui n’altère pas sa capacité de consentement, a poursuivi Me Touma. D’autant plus que selon un témoin, la présumée victime aurait laissé savoir son désir d’entretenir une relation avec l’ancien député de la circonscription de Huntingdon. 

«Une des réflexions qu’il faut faire, a signalé Me Nadine Touma, est quel est l’intérêt des deux parties et l’historique relationnel. Il faut établir la cohérence dans ce qu’a dit la plaignante. Sinon, on va laisser les préjugés s’immiscer dans le jugement et ce n’est pas souhaitable.» 

Pour elle, le plaidoyer d’acquittement doit être retenu puisqu’André Chenail a fourni un témoignage franc et transparent.

Aveuglement volontaire

En défense, Me Kim Émond a parlé d’un dossier assez particulier en raison de la perte de mémoire de la victime. Celle-ci a longtemps prétendu qu’un produit avait pu être versé dans son verre de vin pour expliquer sa perte de conscience. Ce que les prélèvements ne démontrent pas.
Néanmoins, cette femme n’avait aucune raison de mentir. Les démarches qu’elle a entreprises lui ont d’ailleurs fait perdre son appartement, son revenu et elle a dû suivre une trithérapie pour s’assurer qu’elle n’avait pas attrapé le VIH. 

La victime a eu des flashs de l’événement, mais sa version demeure la même, malgré quelques contradictions, depuis le jour 1, précise Me Émond. «L’expert confirme qu’un souvenir est possible, dit-elle. Il y a la myopie des conséquences où l’on pourrait faire quelque chose dont on n’a pas le courage de faire habituellement tandis que la désinhibition est le fait de commettre un geste contre nature. » 

Elle met en doute l’accusé dans sa description des événements survenus le 13 décembre 2018. Surtout dans la mesure où l’expert laisse entendre que l’état de la victime la plaçait dans l’incapacité d’offrir son consentement. «Sa version, je me pose énormément de questions sur le consentement, ajoute-t-elle. Après que le comportement de la victime ait changé, il y a l’aveuglement volontaire de l’accusé. Il n’y a pas eu de démarches faites pour vérifier le consentement.»

Elle y constate un changement de comportement à 180°. Si bien que, pour la Couronne, la crédibilité d’André Chenail est mise en doute.