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L’information à l’ère de la COVID-19: un manque d'équilibre et de dialogue

le mardi 06 octobre 2020
Modifié à 11 h 59 min le 06 octobre 2020

Des données compilées par une équipe de recherche de l’Université de Sherbrooke révèlent un taux d’adhésion aux théories du complot de 17% au Canada. Plusieurs experts s’entendent pour dire que jamais la désinformation, les fausses nouvelles et les théories du complot n’ont été aussi nombreuses et propagées que depuis l’arrivée de la pandémie. Selon Marie-Danielle Tremblay, étudiante au doctorat en communication qui travaille comme assistante à la recherche au département de communication sociale et publique, pour des projets en rapport avec l’information et la désinformation, il faut tout de même demeurer prudent face à de tels chiffres. Elle précise que ce n’est pas parce qu’une information est davantage propagée que plus de personnes y adhèrent. Méfiance ou adhésion? «La personne qui adhère vraiment à une théorie du complot ne va jamais pouvoir se faire démontrer, même si on lui montre toutes les preuves, que c’est faux, parce qu’elle pensera toujours qu’il y a une manipulation globale de la perception», souligne Marie-Danielle Tremblay. En contraste, elle précise que d’autres s’intéresseront aux théories du complot par méfiance envers le gouvernement et des informations qu’il propage. Or, ces personnes pourraient éventuellement être convaincues qu’une théorie n’est pas vérifiée ou exacte, contrairement à la base complotiste. Une délimitation est donc nécessaire entre «les gens adeptes de théories du complot et ceux qui sont plus méfiants dans un contexte où les informations changent de jour en jour». L’alternative Marie-Danielle Tremblay relève aussi un besoin d’explications simples à travers cette «info-obésité» que l’on connait actuellement. Alors que l’afflux important de nouvelles et de données inonde la collectivité, une partie de celle-ci préfèrera se fier à des explications qu’elle pourra comprendre facilement. «Puisqu’ils sont insécures, ils ne se sentent pas en contrôle ou considèrent qu’il y a trop d’informations contradictoires. Les gens sont donc plus enclins à adhérer à des explications simples ou à projeter leur méfiance dans des histoires simples. Mais ça ne veut pas dire que ce sont des personnes qui se radicaliseront jusqu’au point de devenir des complotistes.» Le contexte actuel joue donc un rôle clé puisqu’il rend la population plus attentive à la diffusion des informations et à la recherche de réponses, surtout que les circonstances actuelles touchent directement tout le monde. Ainsi, si le nombre de personnes qui s’intéressent à la COVID-19 est très élevée, les risques de tomber sur toutes sortes d’informations augmentent, et la désinformation aussi, par le fait même, explique Mme Tremblay. À la recherche de l’équilibre Ces phénomènes révèlent notamment une baisse de la confiance envers les autorités. «Si les gens ne peuvent plus faire confiance aux personnes qui les informent, à la science, cela laisse vraiment le champ libre à n’importe quel type de croyance, déplore la doctorante en communication. Pour qu’une société fonctionne, il faut un certain consensus sur des faits, des vérités. D’un autre côté, la défiance est saine d’une certaine manière. Il ne faut pas non plus croire à tout ce que les autorités disent. C’est de trouver le bon niveau de défiance et de confiance.» Il s’agit d’un débat très délicat et un équilibre difficile à atteindre, surtout lorsque le discours est déchiré entre deux extrêmes. «Nous avons de la difficulté à avoir des échanges d’opinion et être capable de se parler. Nous sommes vraiment dans les oppositions.» Marie-Danielle Tremblay remarque une dérive de la conversation et de l’écoute, situation tout de même inquiétante pour la suite. «Nous passons rapidement à se crier des noms, à se traiter d’imbéciles sans prendre la peine de comprendre d’où ça vient. Tout le monde peut être enrichi par une conversation, même avec quelqu’un de défiant.» Elle a l’impression que le dialogue est absent présentement, alors qu’on associe automatiquement les personnes défiantes à des complotistes, et ceux qui se fient aux autorités à des inconscients. «Les gens se placent rapidement dans des boîtes et il n’y a rien entre les deux, alors que tout se trouve toujours entre les deux!» Texte d'Ève Ménard, Initiative de journalisme local, Journal Accès